Lors de l’étape de la sous-préfecture de Laoudi-Bâ où, le préfet de région de Gontougo, préfet du département de Bondoukou, M. Gbongbo André y était pour une visite de travail, la rédaction du mensuel ‘‘voixduplanteur’’ et son site d’information spécialisée voixduplanteur.info associés à l’événement, ont profité de l’opportunité pour faire l’état de la campagne de la noix de cajou en cours dans l’une des zones de production par excellence. Si en général, les planteurs saluent cette année, le relèvement du prix du kg (425 FCFA), ils sont néanmoins confrontés depuis peu, à un problème inédit. Celui de la mévente de leurs produits. Incursion
La situation que vivent les planteurs de noix de cajou dans la région de Bondoukou et peut-être dans les autres localités productrices est la baisse des rendements produits. En effet, faisant face à une production nettement en baisse en termes de tonnage, les coopératives ont du mal actuellement à atteindre les records de l’année dernière.

« L’année dernière, à pareil moment, j’avais déjà vendu plus d’une tonne et demie. Alors que pour la campagne en cours, à la même période que celle de l’année passée, j’ai six sacs qui font environs 500 kg », s’insurge Nestor Yao, pisteur et magasinier dans la Sous-préfecture de Laoudi-Bâ.
De son côté, Kouman Benjamain, l’un des gros planteurs du village, ne dit pas autre chose que confirmer ce cauchemar. « Il faut dire que cette année, la production est très mauvaise. On a du mal à remplir même un simple sac de 80 à 100 kg. On ne sait pas si les semaines à venir, on peut espérer obtenir encore quelques grains », s’est-il consolé. C’est le même refrain qu’entonnera également Kouamé Kouakou dit Fall pour exprimer son indignation face à cette situation sans précédent.
Les raisons ?
A la question de savoir quelles sont les raisons qui sous-tendent cette situation. La réaction de Nestor Yao est sans équivoque, indexant à première vue le changement climatique qui fait que les précipitations de l’année dernière, étaient rares et ont affecté ainsi les productions agricoles. Surtout celle de la noix de cajou qui demeure l’un des produits phares en termes d’exportation avec le coton au nord du pays.
À l’image bien sûr du cacao et du café au sud. Quant à M. Abo et Benjamin, ils ne disent pas autre chose, indexant et accusant le changement climatique pour expliquer les rendements lamentables. Et ce, dans la mesure où les autres productions agricoles, autres que l’anacarde, souffrent des mêmes effets nocifs du climat. « La faible productivité de nos surfaces agricoles est due aux pluies qui ont été irrégulières l’année passée », déplore Benjamin.
L’achat et la vente de la noix de cajou à l’arrêt
« Un malheur ne vient jamais seul », dit l’adage. A ces situations climatiques indépendantes de leur volonté, depuis un certain temps, un autre phénomène vient troubler la quiétude des parents paysans. C’est l’arrêt brusque d’achat des grains d’anacarde pratiquement dans les différentes zones de production. L’escale de notre équipe de reportage dans la ville d’Agnibilékrou de retour d’Abidjan, n’a fait que confirmer cela.
En effet, c’était le statu quo dans cette autre région de production de noix de cajou. En d’autres termes, c’est l’immobilisme total, côté vente des noix de cajou présentement. « Aujourd’hui, rien ne va. On ramasse les grains d’anacarde mais, personne ne les paie. Les pisteurs n’ont pas de liquidités pour payer les productions des paysans », constate tristement Nestor.
Poursuivant, « personne ne dit quelque chose. Les pisteurs affirment que depuis un certain temps les financements sont bloqués. Quand on essaie de comprendre les motivations, personne ne parle. Finalement, les parents se baladent de pisteur en pisteur sans résultat. Et leur refrain malheureusement est « pas d’argent ». En plus, ce que M. Fall trouve de curieux, c’est l’absence de la société Olam International avec laquelle il travaille depuis près de vingt ans, qui, jusque-là, ne s’est pas encore manifestée pour un quelconque achat des noix.
Alors que les années précédentes, dès le début de la campagne, les responsables de cette société, selon M. Yao, ont toujours été les premiers à les approcher pour les modalités de collaboration. « Actuellement, je revendique plus de quatre tonnes de noix de cajou qui sont stockés dans mon entrepôt. Personne n’achète. C’est à croire que les dieux nous ont abandonnés cette année », s’attriste un autre producteur qui a requis l’anonymat.
Face à cette situation sans précédent, la question qui taraude l’esprit, est de savoir comment arriver, si rien n’est fait pour inverser la tendance, afin d’honorer les engagements vis-à-vis de la main-d’œuvre voire les charges familiales ?
Les travailleurs réclament leurs dûs alors que les noix de cajou ne sont pas vendues
« Ça nous met face aux manœuvres qui, chaque matin, se pointent pour réclamer leur dû. Malgré l’effort déployé pour leur faire comprendre, on se retrouve dans un dialogue de sourds. En dépit des explications, le lendemain, ils se pointent encore parce que happés également par les réalités sociales », soutient Benjamin Kouman. Et certaines langues d’expliquer que dans un village de la région, un planteur confronté à cette même situation par manque de liquidités, menacé par ses ouvriers, il a fallu un élan de solidarité de la part de ses parents pour éviter le pire. Montrant ainsi la gravité de la situation.
L’autre conséquence à court terme, si les planteurs n’arrivent pas à rémunérer à tant les manœuvres, l’année prochaine, cela peut briser le contrat de confiance instauré depuis et, créer bien évidemment une pénurie de main-d’œuvre. En dehors de ce volet plus ou moins délicat, il faut voir, l’orpaillage clandestin devenu un fléau dans la région, prenant de l’ampleur.
« Aujourd’hui, il est difficile de trouver des ouvriers à cause de l’orpaillage clandestin que beaucoup de jeunes trouvent plus lucratif », souligne Kouman Benjamin. « Pis encore, comment effacer nos ardoises qu’on espérait éponger avec ce prix beaucoup plus rémunérateur que l’année dernière, où, c’était la catastrophe ?», s’interroge Nestor Yao.
Félix Yao